Ainsi on pouvait passer plusieurs mois à broder ses initiales sur un drap par souci de personnalisation et de transmission familiale.
Finalement toutes ces données faisaient que les gens avaient un rapport très intime avec le tissu, ils y étaient attachés. Le contact était bien différent de celui qu'on peut avoir maintenant avec nos textiles du quotidien. Le vêtement acquiert une valeur toute personnelle lorsqu'il a été réparé ou transformé. Les changements qu'il subit peuvent être source d'esthétique et de créativité.
Il s'imprègne alors de la personnalité de son propriétaire.
Le textile a été traditionnellement matière de transmission, de mémoire et de soin, en lien direct avec la vie et ses évolutions.
La modernité (le philosophe Gilles Lipovetsky parle même d'hypermodernité) incite de plus en plus à consommer au jour le jour, à se séparer des objets dans des délais de plus en plus court. La culture contemporaine du flux tendu et du "just in time" déboucherait sur un déséquilibre collectif qui se manifeste en une crise de la transmission en général.
La société du tout jetable fait du textile un bien de consommation comme les autres. Toute la symbolique du soin et du temps en est par conséquent affaiblie. L'empire de l'éphémère se manifeste dans nos modes de vie avec une consommation effrénée et une tendance à l'usage unique. "Plus l'espérance de vie de l'homme s'allonge, plus celle de nos objet s'abrège." ( Régis Debray, communiquer/transmettre-acte du colloque de Cérisy, Les cahiers de médiologie, 1er semestre 2001).
Dans le domaine de l'Art, l'oeuvre éphémère s'est largement diffusée avec les performance et le courant des Actionnistes Viennois des années 70 ou avec le Land Art qui caractérise bien cette idée d'éphémère. Les oeuvres de Nils Udo peuvent parfois ne durer que quelques heures, par exemple lorsqu'il utilise la neige ou la rosé du matin.
Comment faire exister l'idée de transmission en prenant en compte le monde actuel? Il s'agit bien d'intégrer la transmission aux notions du monde de l'éphémère.
Si la transmission ne trouve plus sa place aujourd'hui, ne pourrions nous pas créer notre propre transmission? La transmission peut-elle exister dans un monde de l'éphémère qui nous conduit vers un systeme de comunication?
Il existe pourtant des lieux où la transmission fait parler d'elle. Nous nous immergerons dans le monde médical où le textile semble garder une symbolique forte de soin et de transmission. Le rapport au textile y est très spécial, il va de l'intérieur du corps (tissu musculaire, implants chirurgicaux), au tissu de soins externes (bandes et pansements) en passant par le trousseau de séjour (linge de toilette, litterie...).
Comment le textile en milieu médical peut il être un lien entre générations, non plus dans le temps comme on a pu l'observer dans le passé (comme en parle R.DEBRAY au sujet de la transmission diachronique), mais dans l'espace et le présent, puisque c'est notre maniere de vivre.
Comment le design textile peut-il intervenir en tant que support de transmission?
De ces questionnements né le projet "Panser Autrement" qui est une véritable investigation du monde médical et une maniere différente d'apréhender le soin par le textile. Cette démarche est à la fois une réflexion artistique sur les domaines combinés de la transmission, l'enfance, le soin et le fonctionnement du corps humain. C'est aussi une démarche de designer ancrée dans un réseau qui rassemble des partenaires, des industriels et institutions médicales.
TRANSMETTRE & COMMUNIQUER : la confusion entre 2 notions
La transmission "qui veille au passage des messages à travers le temps" (Regis DEBRAY, communiquer/transmettre).
- différents types de transmissions : virus/objet/valeur/biologique/héréditaire/culturelle/symbolique
- la transmission se passe à travers le temps
- la transmission crée un phénomène d'incorporation en passant au travers des individus. Elle passe même au delà en traversant les générations tout en évoluant.
- s'il est vrai que la communication sert le monde de l'éphémère et tend à la consommation, la transmission, elle, se sert de la communication pour exister et dépasser le temps.
- l'oeuvre d'Art transmet du passé, du présent et de l'avenir. Certains artistes représentent bien cette idée d'inventer sa propre transmission en s'inspirant du passé pour créer dans le présent des oeuvres visionnaires.
La transmission se matérialise dans la réutilisation et la transformation de matériaux et d'objets usagés. Transformer, faire évoluer, et intervenir sont des actions nécessaires à la transmission. "Pour communiquer, il faut transformer, convertir" (Régis DEBRAY, trasmettre).
- "il ne s'agit plus de faire table rase ou de créer à partir de matériaux vierges, mais de trouver un mode d'insertion dans les innombrables flux de la production" (Nicolas BOURRIAUD,Postproduction,les presses du réel.)
- le mouvement de la Postproduction (Duchamp) : tout notre environnement notamment publicitaire est prétexte à créer.
- la Postproduction est bien sûr due à la surproduction, mais aussi à l'abondance de produits dérivées, jetables et au grand choix de produits sans utilité. "Comment produire de la singularité, comment élaborer du sens à partir de cette masse chaotique d'objets, de noms propres et de références qui constituent notre quotidien?(N.BOURRIAUD, Postproduction).
Le fait de recourir à des formes déjà produites témoigne d'une volonté d'inscrire l'oeuvre et la création au milieu d'un réseau de signes et de significations. Artistes et designers adoptent ce processus de création où le monde des objets est mis à contribution. Les produits dits "produits finis", redeviennent matière première ; outil parmi l'existant (monde actuel = énorme marché).
cf. Lucy ORTA et ses "ateliers de transformations"(sophistication)
Certains designers de la Postproduction sont des sémionautes qui inventent des cheminements personnels parmi les signes. Ils puisent dans le passé proche comme lointain et dans le présent pour créer des parcours originaux de signes dont ils sont eux-mêmes les "recycleurs". "Recyclage de sons, d'images, de formes, un parcours incessant dans les méandres de la culture et de l'histoire" (N.BOURRIAUD,Postproduction).
La Postproduction utilise le recyclage mais d'une manière bien particulière, par la réutilisation et le détournement de signes et de références. L'attitude des artistes et des designers n'est pas de nier le passer ni de le copier, mais d'avoir un regard critique. Ce brassage de cultures et de sémiotique tisse des liens originaux et donne à voir un présent composite, non isolé.
- textile = matière de transmission par idée du trousseau (le textile rythmait la vie de la naissance à la mort)
Il accompagnait chacun dans "les étapes initiatiques" : la naissance, le mariage, la grossesse, le deuil.
Aujourd'hui le vêtement de deuil a disparu. La mort est devenue un tabou car les rites anciens ne correspondent plus à notre mode de vie. Ce décalage rend son acceptation plus difficile. Le lourd tissu noir de deuil absorbait pour ainsi dire les souffrances, son rôle de signe renseignait sur les difficultés de la personne qui le portait. Le textile vecteur social et matière thérapeutique, accompagnait les personnes à travers les différentes étapes de vie.
LA DURABILITE DES MATERIAUX EN CAUSE :
La réparation du vêtement usagé nourrissait la transmission par les idées de prolongation, de transformation et d'adaptation au contexte présent. Régis DEBRAY parle de "déjouer l'éphémère en jouant les prolongations".
Actuellement, la durabilité des matériaux comme celle des objets n'est plus recherchée. Nous changeons de plus en plus souvent et de plus en plus vite de vêtements (et autres). La plupart de nos vêtements ne durent qu'une saison et ne sont pas réutilisables l'année suivante à cause de leur mauvaise qualité ou des rythmes de la mode. Les cycles de vie de courte durée rendent impossible toute transmission textile. L'objet textile n'est plus pensé comme une matière de soin, de protection et de transmission, mais comme un bien de consommation éphémère.
Les phénomène de mode et de communication définissent nos rythmes de consommation.
Aujourd'hui est ce que la transmission textile ne s'est-elle pas transformée en communication textile?
Le facteur affectif, que nous pouvions avoir pour un vêtement tend à disparaître.
VERS LE RECYCLAGE :
Si par le passé le textile perdurait grâce aux transformations et réparations, aujourd'hui face à la surproduction et à l'abondance de matériaux, nous envisageons un nouveau mode de transformation par le recyclage. Une addition de cours terme qui crée du long terme. Cette démarche va dans le sens d'un développement durable, pense au générations suivantes en matière d'écologie et de qualité de vie. C'est une question de plus en plus présente dans nos réflexions et trouver de nouvelles manières de produire (ou re-produire) fait partie de nos enjeux quotidiens.
LA TRANSMISSION GENETIQUE :
La période de grossesse d'une femme est riche pour parler de transmission. Nous retrouvons les notions de temps, d'évolution, de transformation et d'hérédité.
L'hérédité est la forme de transmission qui fait partie du domaine de la génétique. Les gènes définissent un grand nombre de caractéristique de l'individu et sont transmis des parents aux enfants.
Le trousseau = parfait symbole de la famille, de l'héritage, représente aussi une idée de la transmission en crise.
- carte génétique = hérédité
Et si transmission aujourd'hui = réduction à la simple hérédité.
- "broderie génétiquement modifiée"
- manipulation, abus scientifiques, questionnement actuel autour du clonage, difficultés de choix et liberté dans la construction de notre idée.
- réflexion bioéthique
Qu'allons nous laisser à nos enfants, si les recherches scientifiques s'acoquinent avec les lois du marché et de la productivité?