Biennale internationale de design, Saint-Etienne 2008.

Avec l'affluence du weekend j'avoue avoir eu un peu de mal à réaliser un "reportage parfait", j'ai donc décidé de vous parler principalement de l'exposition qui m'a le plus touchée et qui n'est autre que la "N-1".

N-1

Commissaire : Emmanuel Tibloux, directeur de l'ESADSE.

Commissaire adjoint : Jean-Marie Courant, ESADSE.

Elaborée sur la base d'un appel international à projets, adressée aux écoles supérieures d'Art, média et design, N-1 réunit différents projets de recherche et d'expérimentations en design graphique, numérique et sonore réalisés par des élèves ou de jeunes auteurs récemment diplômés. Sont au total présentés 26 projets et 32 auteurs issus de 15 écoles et quatre pays (l'Allemagne, la France, la Suisse et les Pays-Bas).

Comme son titre l'indique, N-1 met en avant les notions de retrait et de soustraction. A travers sa thématique d'abord, qui touche assurément au design, mais au design tel qu'il peut être poussé dans certains de ses retranchements : quand il est saisi au stade de la recherche et de l'expérimentation et qu'il se fait exploration - le volume ou la matérialité en moins - des champs graphique, numérique et sonore. A travers ses participants ensuite, tous issus d'écoles d'Art, c'est-à-dire de lieux d'enseignement et de recherche soustraits aux règles et aux impératifs du marché et de la commande, garantissant ainsi des conditions d'expérimentation et de créativité optimales : la possibilité de défricher le chemin en cheminant et de pousser les outils et les techniques au-delà ou en deçà de leurs applications réglées.

De là sans doute le côté "low tech" de la plupart des propositions, qui réintroduisent, dans l'exaltation générale de la haute technologie, le rudimentaire de certains outils (le stylo Bic, le feutre, le pinceau, la machine à écrire, le vinyle) et processus obsolètes (le mécanique et l'analogique).

De là aussi le côté globalement épuré des projets. Car qu'elle soit de design ou de média, la plupart des écoles ici présentes sont d'abord et avant tout d'Art. Et quels que soient les formes ou les états sous lesquels il se présente, l'Art est encore le nom d'un régime de production fondé sur un principe de nécessité qui valorise les opérations de retranchement et de soustraction.

Au-delà de ces seules opérations négatives, N-1 permet également d'appréhender deux grands axes autour desquels se développent la recherche et l'expérimentation en design graphique, numérique et sonore. La question de la traduction et de la transcription tout d'abord : sous forme de graphes et d'objets divers navigant entre texte, son et image en 2D et 3D, ce sont les formes et les modalités du passage d'un registre et d'une dimension à l'autre qui sont interrogées.

Parallèlement à cette recherche, parfois conjointement, on relèvera ensuite un intérêt marqué pour les processus d'hybridation. Transformation d'une machine à coudre en tourne-disque, pochoir mécanique, croisement du théâtre d'ombres et du scanner numérique... etc : autant de propositions en forme de courts-circuits techniques et chronologiques, qui rappellent combien l'hybridation reste le modèle canonique de l'expérimentation. 

Ecole Nationale des Beaux Arts de Lyon

Elsa Audouin, "Deluxe" : police de caractère palette de formes, qui se substituent aux caractères alpha-numériques habituels .

"Transcription graphique d’une intrigue romanesque" de Gaitana Valbuena, Ecole Régionale des Beaux Arts de Valence :

Dépliant, impression laser, schémas, édition format A5 présentée sous vitrine, projection de cette édition.

Ce travail présente sous différentes formes le déroulement de l’intrigue de L’homme aux cercles bleus, roman policier de Fred Vargas. A chaque type d’évènement correspond une forme graphique. Seules sont figurées les « fonctions cardinales » du récit – c'est-à-dire les moments clés de l’action.

Cette transcription graphique met en relief la structure du roman policier comme enchainement logique d’évènements et d’actions.

Le projet montre aussi comment, à partir de la toponymie des rues, s’articulent le déroulement du récit et le cheminement dans une ville (Paris).

Ecole Nationale des Beaux Art de Lyon

Clément Neyret-Le Tulle, "Encore"

"Encore" est une police de caractère modulaire uniquement composée de majuscules.

Il existe des variantes de chaque lettres (accessibles sur le clavier en lieu et place des bas de casse), ainsi que des ligatures.

Des pictogrammes, des icônes ou des signes peuvent se substituer à certains caractères.

Cette linéale occupe un champs situé entre la lettre et l'image, le symbole et le signe.

Elle permet des expérimentations variées, se jouant dans un espace [typo]graphique étendu jusqu'aux limites du lisible.

"Encore" est en cours d'élaboration.

Ecole Supérieure d'Art et Design de Saint-Etienne

Fabrice Sabatier, "formules graphiques" :

A l'origine et au coeur de ce projet : la forme brève. Fabrice Sabatier propose à la fois une cartographie précise d'un genre littéraire plus étendu qu'on ne l'imagine, dans lequel le public est invité à naviguer, et une série de cartes aux couleurs vives sur lesquelles sont imprimés des micro-récits drôles et cruels dont il est lui-même l'auteur.

Oeuvre de cartographie et de graphisme. "Formules graphiques" est aussi une réflexion critique et un générateur textuel.

Ecole Supérieure des Arts Appliqués - Duperré, Paris.

Camille Baudelaire & Jérémie Harper, "Basic Construct"(extrait) :

"Basic construct" est un projet situé à la croisée du graphisme et du design d'objet, inspiré par les processus de conception assistée de logiciels, par l'esthétique des interfaces et l'usage qu'on en a.

Des images sont mises en volume, des volumes sont mis en image par le moyen de la modélisation 3D en cherchant, comme dans la conception d'un pictogramme, la "forme minimum".

Les frontières qui séparent l'objet de sa modélisation, le signe de la représentation, le schéma de l'icône, tendent à s'estomper. Typographie, images et objets semblent faits d'une même substance affranchie de toute contrainte physique.

Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris.

Yannis Pérez, "Neverneverland, Color Suite".